Malgré les avancées médicales, les campagnes de sensibilisation et la parole de plus en plus libérée autour du bien-être mental, la stigmatisation des troubles psychiques reste fortement ancrée dans notre société. Les personnes concernées, qu’il s’agisse d’adolescents, d’adultes ou de personnes âgées, doivent encore faire face à l’incompréhension, au jugement ou à l’isolement. Pourquoi, en 2025, ces préjugés sont-ils encore si tenaces ? Pour le comprendre, il faut s’intéresser à l’histoire, à la culture, à nos peurs collectives, mais aussi à la façon dont la santé mentale est représentée dans l’espace public.
Une peur ancienne et profondément ancrée
La stigmatisation de la santé mentale ne date pas d’hier. Pendant des siècles, les troubles psychiques ont été associés à la folie, au danger, à l’irrationnel, voire à des causes surnaturelles. Les personnes atteintes de maladies mentales étaient souvent marginalisées, enfermées, exclues du tissu social. Ces représentations archaïques ont laissé une trace dans l’imaginaire collectif.
Même si la médecine a largement évolué, beaucoup continuent d’associer les troubles psychiques à une forme de faiblesse ou de menace. Cette peur de « l’autre différent » alimente encore aujourd’hui le rejet, parfois inconscient, de ceux qui osent dire : « Je ne vais pas bien. »
Des clichés toujours bien vivants
Les préjugés prennent souvent la forme de clichés :
- « Les personnes dépressives sont paresseuses. »
- « Les anxieux exagèrent. »
- « Les personnes bipolaires sont dangereuses. »
- « Les troubles mentaux, c’est dans la tête. »
Ces stéréotypes sont non seulement faux, mais aussi destructeurs. Ils enferment les individus dans des cases et les empêchent de demander de l’aide, de s’exprimer librement, ou même de se reconnaître dans un diagnostic.
La stigmatisation ne vient pas seulement des autres. Elle peut aussi être intériorisée : de nombreuses personnes atteintes de troubles psychiques ressentent de la honte, culpabilisent, se taisent ou s’isolent pour ne pas être perçues comme « faibles », « instables » ou « incapables ».
Le rôle des médias et de la culture populaire
Le cinéma, les séries, les journaux télévisés ou les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la construction des représentations mentales. Or, dans la culture populaire, les troubles psychiques sont souvent montrés de manière caricaturale ou sensationnaliste.
Un personnage « fou », imprévisible, dangereux… Une personne « dépressive », sombre, solitaire et sans espoir… Ces représentations simplistes nuisent à la compréhension de la réalité. Elles nourrissent la peur, au lieu de susciter l’empathie.
Même lorsqu’ils se veulent bienveillants, certains discours médiatiques peuvent renforcer la distance entre « eux » (ceux qui vont mal) et « nous » (ceux qui vont bien), comme si la souffrance mentale était une exception ou une anomalie.
Un manque d’éducation à la santé mentale
Dans la plupart des systèmes éducatifs, la santé mentale reste un sujet peu ou mal abordé. On apprend aux enfants à soigner un rhume, une blessure, mais rarement à reconnaître une crise d’angoisse, une dépression, ou à parler de ses émotions sans honte.
Ce manque de sensibilisation dès le plus jeune âge entretient la méconnaissance, et donc la peur. À l’adolescence ou à l’âge adulte, beaucoup n’ont pas les outils pour comprendre ce qu’ils vivent ni pour accueillir la souffrance des autres.
Une meilleure éducation à la santé mentale – à l’école, en famille, dans les médias – est l’un des leviers les plus puissants pour faire reculer la stigmatisation.
La peur du jugement social
Reconnaître que l’on a besoin d’aide psychologique reste, dans de nombreux milieux, une démarche difficile. Les regards, les moqueries, le rejet potentiel de son entourage ou de son employeur peuvent dissuader les personnes concernées de consulter.
Dans le monde professionnel, par exemple, avouer un trouble anxieux ou un burn-out peut être perçu comme un signe d’incompétence. Dans certains contextes culturels, parler de dépression est perçu comme un tabou, voire un déshonneur pour la famille.
Cette peur du jugement freine l’accès aux soins, aggrave l’isolement et retarde souvent la guérison.
Les conséquences concrètes de la stigmatisation
La stigmatisation de la santé mentale n’est pas seulement une question morale ou symbolique. Elle a des effets très concrets :
- Retard dans le diagnostic et la prise en charge
- Isolement social, scolaire ou professionnel
- Détresse accrue et risque suicidaire
- Difficultés d’insertion ou de réinsertion
- Discrimination dans l’accès aux droits et aux soins
Elle crée un cercle vicieux : plus les personnes souffrent en silence, plus leur état se dégrade, et plus elles deviennent la cible de jugements injustes. Rompre ce cercle demande un effort collectif.
Vers une société plus inclusive et bienveillante
Pour faire reculer les préjugés, plusieurs pistes sont à développer :
- Libérer la parole : Encourager les témoignages, donner la parole aux personnes concernées, normaliser les discussions autour de la santé mentale.
- Éduquer : Intégrer la santé mentale dans les programmes scolaires, former les professionnels (éducation, santé, entreprise…).
- Changer les représentations : Promouvoir des figures positives et réalistes dans les médias, lutter contre les clichés.
- Améliorer l’accès aux soins : Rendre les services de santé mentale accessibles, visibles et non stigmatisants.
- Valoriser l’entraide : Développer des espaces d’écoute, des groupes de parole, et une culture du soutien plutôt que du jugement.
Changer les mentalités, un enjeu collectif
La stigmatisation de la santé mentale ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Elle repose sur des peurs profondes, des ignorances anciennes et des habitudes culturelles. Mais elle n’est pas une fatalité.
En agissant ensemble – par l’éducation, la sensibilisation, l’écoute et la solidarité – nous pouvons faire évoluer les mentalités. Et permettre à chacun, quel que soit son parcours, de vivre avec dignité, respect et soutien.
Car la santé mentale ne concerne pas une minorité : elle concerne tout le monde.
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